« Elegy for the Mundane », les aspérités d’un même monde

26 septembre 2019   •  
Écrit par Julien Hory
« Elegy for the Mundane », les aspérités d'un même monde

Avec Elegy for the Mundane, Gaël Bonnefon a une double actualité : un livre édité à Lamaindonne et une exposition au Château d’eau, à Toulouse, jusqu’au 3 novembre. Dix ans d’images dans lesquelles le photographe s’exprime par une immédiateté sensible.

« Sincérité, vibrations, amour. » À la question facile d’un journaliste en quête d’introduction, les mots par lesquels l’éditeur de Elegy for the Mundane répond représentent à la perfection le travail de Gaël Bonnefon. Si tant est que nous puissions la résumer, David Fourré, responsable des éditions Lamaindonne, offre ici une définition assez fidèle de l’œuvre du photographe. C’est une évidence, nous sommes là devant une expression sensible tout à la fois impulsive et maîtrisée. Qu’il s’agisse de moments intimes, de fièvres nocturnes, ou de paix contemplative, Gaël Bonnefon traduit sans concession une réalité qui lui appartient.

Qui lui appartient ? Pas tout à fait. Dans ses images, il traduit également les errances d’une génération perdue entre l’espoir promis et les lendemains incertains. Cet écart, l’artiste, installé à Toulouse, l’a saisi. Par une technique qui, sous de faux airs de hasard, affirme son indépendance esthétique, il laisse transpirer les doutes qui habitent sa contemporanéité. Venu des Beaux-Arts, nourri par les écrits et l’art contemporain, ses références sont multiples, elles font passerelles quand lui construit sa signature. D’une présence humaine cyclique, il vient de plus en plus à des territoires d’où émerge une atmosphère singulière. La technique du traitement croisé que le photographe emploie n’y est pas pour rien et elle traduit la vision d’un monde qui se dégrade.

© Gaël Bonnefon

La nostalgie et le devant

« Nan Goldin m’a beaucoup inspiré, mais je ne pense pas travailler de la même façon. » La référence à la figure de proue (du moins la plus exposée) des Cinq de Boston est claire. On retrouve une forme de radicalité mais aussi un respect pour le sujet dans leurs travaux respectifs. Pour exemple, la couverture de la rétrospective éditoriale de Nan Goldin, Le terrain de jeu du Diable, peut faire penser à celle de Elegy for the Mundane. Ce qui les rassemble certainement, c’est une présence au monde qui tend à s’effacer. Pourtant l’ouvrage de Gaël Bonnefon ne présente pas ses clichés les plus crus. Son éditeur l’explique : « Je suis Gaël et les membres de son collectif Temps Zéro depuis près de cinq ans. Au début, j’ai hésité à le publier, son travail était trop radical, j’avais peur de m’adresser à une niche. Surtout, je ne me sentais pas avoir les épaules pour proposer un travail comme ça. Et puis tout ça a mûri, nous avons défait, refait, mais c’est allé très vite. Il y avait de la cohérence.»

« Je tends désormais vers la lumière, l’obscurité de mes photos serait trop interprétée. Elles seraient des images fallacieuses. » Gaël Bonnefon est ici et maintenant comme dans la nostalgie et le devant, à l’instant photographique d’une intériorité propre. Borderline, c’est le terme. Une personnalité consciente de ses égarements tant elle sait aimer, embrasser le sujet mais aussi se retrouver avec elle-même. « J’aime beaucoup le personnage de Zarathoustra chez Nietzsche, l’idée de l’ermite qui réfléchit au monde. » À toutes fins utiles, dans l’ouvrage de Friedrich Nietzsche, Zarathoustra était sorti de son isolement pour délivrer un message au monde. Il n’y a pas de message dans Elegy for the Mundane, mais il y a bien un partage volontaire. Cet ensemble qui, dans sa version originelle, devait annoncer le déclin, est un parfait appel à l’imagination du réel.

Elegy for the Mundane, éditions Lamaindonne, 37€, 184 p.

 

Elegy for the Mundane – galerie Le Chateau d’eau

Exposition du 11 septembre au 3 novembre 2019

1 place Laganne, 31300 Toulouse

© Gaël Bonnefon© Gaël Bonnefon

© Gaël Bonnefon© Gaël Bonnefon

© Gaël Bonnefon

© Gaël Bonnefon© Gaël Bonnefon

© Gaël Bonnefon

© Gaël Bonnefon© Gaël Bonnefon

© Gaël Bonnefon

© Gaël Bonnefon© Gaël Bonnefon

© Gaël Bonnefon© Gaël Bonnefon

© Gaël Bonnefon

Explorez
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
© Naïma Lecomte / Planches Contact Festival
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Naïma Lecomte. Jusqu’au 4 janvier 2026, l’artiste présente Ce qui borde à Planches...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
© Lalitâ-Kamalâ Valenta
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan, nos coups de cœur de la semaine, documentent des univers spécifiques. La première s’intéresse à...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
Adarsh © Arhant Shrestha
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
À la librairie 7L, le photographe népalais Arhant Shrestha présente Loose Fist, livre et exposition issus d’un long travail de...
18 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
5 coups de cœur qui sondent la mémoire
© Madalena Georgatou
5 coups de cœur qui sondent la mémoire
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
17 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
© Naïma Lecomte / Planches Contact Festival
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Naïma Lecomte. Jusqu’au 4 janvier 2026, l’artiste présente Ce qui borde à Planches...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
© Lalitâ-Kamalâ Valenta
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan, nos coups de cœur de la semaine, documentent des univers spécifiques. La première s’intéresse à...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
I Saw a Tree Bearing Stones in Place of Apples and Pears © Emilia Martin
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye dépeignent différentes réalités. Certains puisent leur inspiration...
23 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
5 événements photo à découvrir ce week-end
© Sandra Eleta
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
22 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine